La mission de la Congrégation de la Mission au début de son cinquième siècle de vie – Homélie du P. Gregory Gay, CM

Une réflexion sur le parcours de la Congrégation de la Mission, qui, au début de son cinquième siècle de vie, renouvelle son engagement à vivre la mission du Christ dans le monde, poursuivant son œuvre d'évangélisation et de service.

Dans le contexte de notre célébration du 400ème anniversaire de la fondation de la Congrégation de la Mission, il y a quelques mots clés dans les lectures que nous avons entendues, sur lesquels nous pouvons nous concentrer pour percevoir ce que l’Esprit de Dieu veut nous dire aujourd’hui, en tant que membres de la Congrégation et en tant que membres de la Famille Vincentienne.

Dans la première lecture du livre des Actes des Apôtres, le contexte est celui de la Pentecôte, le jour où l’Esprit du Seigneur ressuscité a touché le cœur de Pierre et de ses compagnons, leur donnant la capacité de parler avec force, avec courage d’une expérience fraîche dans leur cœur et leur esprit. Le fait que le Seigneur et Sauveur du monde a été tué parce qu’ils s’opposaient à son enseignement du Royaume de Dieu. Les apôtres défendaient non seulement Jésus-Christ, mais aussi son message sur le Royaume de Dieu.

Cette lecture est ce que nous avions réfléchi le lundi de la Résurrection, le jour même de la mort du pape François, dans un sens prophétique, car cette fermeté avec laquelle Pierre et ses compagnons ont parlé est la même que celle qui s’est manifestée dans la prédication du pape François. La fermeté d’affronter les situations avec le désir de renouveler notre Église, en provoquant parfois beaucoup d’opposition et malheureusement, non seulement dans les sphères civiles, mais aussi au sein de l’Église.

Le pape François a été un défi pour les traditionalistes, parce qu’il a souligné, tout comme Jésus-Christ, l’aspect humain de notre foi, qui est parfois absent dans certaines de nos traditions.

L’évangile d’aujourd’hui s’adresse aux disciples missionnaires de l’époque et, bien évidemment, aux disciples missionnaires de notre époque. Le mot clé est « allait », Jésus allait enseigner, proclamer la parole de l’Évangile du Royaume et guérir. Il s’agit d’une action extérieure. Nous sommes invités à sortir de nos zones de confort pour nous rendre aux périphéries de notre monde, auprès des personnes qui ont le plus besoin d’amour, de compassion, de la présence de ceux qui se montrent solidaires avec elles.

Dans la suite de l’évangile, il est dit que « Jésus, voyant les foules, fut saisi de compassion ». Voir : Jésus a fait l’expérience de la réalité dans laquelle vivaient les gens. D’après mon expérience, l’Église d’Amérique latine prend au sérieux la réalité des gens. D’après la doctrine de l’Église de Vatican II, l’Église d’Amérique latine est l’une des rares à relier continuellement la doctrine à la réalité. Et pas seulement une fois, mais toutes les quelques années, elle a réévalué la vie de la foi à la lumière de la réalité que vivait le peuple de Dieu.

Je pense qu’il est suffisant de dire que le défi pour nous et la Famille Vincentienne, dans le cadre des 400 ans, est de voir, de connaître en profondeur et d’analyser la réalité dans laquelle vit notre peuple.

C’est cette expérience de la réalité des pauvres qui a poussé saint Vincent à fonder la Congrégation avec l’expérience de Foleville le 25 janvier 1617 et quelques huit mois plus tard à Chatillon. La douleur des gens a provoqué chez Vincent une véritable conversion. Mes frères, si nous voulons renouveler notre charisme, nous devons ressentir la réalité de ceux que nous servons, non seulement avec des sentiments, mais aussi avec des actions qui promeuvent leur dignité d’enfants préférés du Seigneur.   

La Parole de Dieu nous invite à réfléchir sur notre condition de disciples missionnaires, à savoir si nous sommes disposés à aller là où il y a des besoins, là où notre Mère l’Eglise nous invite, comme l’a fait Saint Vincent, qui a encouragé les confrères à « aller jusqu’en Inde », c’est-à-dire là où se trouvent les plus abandonnés.

Nous devons nous demander si nous sommes prêts à partir, si nous sommes prêts à nous joindre à cette Église pour sortir ?

J’ai eu des conversations avec de jeunes confrères. J’ai senti chez eux le désir de partir en mission, de rencontrer la réalité des pauvres. Cependant, la réponse de leurs supérieurs est généralement : ils sont trop jeunes et trop inexpérimentés. Ils préfèrent attendre quelques années de plus pour qu’ils acquièrent plus d’expérience. Il s’avère qu’avec le temps, il leur est de plus en plus difficile de tout quitter pour aller vers les pauvres. 

Nous devons nous demander si nous ne sommes pas plus préoccupés par le fait de nous accrocher à ce que nous avons, au lieu d’être plus ouverts à la mobilité, de nous déplacer comme Jésus lui-même nous invite à le faire. 

Nous sommes une Congrégation missionnaire internationale, mais il se peut que la structure de la Province soit un obstacle à la réalisation de cet être missionnaire en mouvement. Est-il possible que cette structure de la Province ait besoin d’être révisée ou restructurée ? 

Le monde crie, nos seigneurs et maîtres souffrent, avec qui sommes-nous solidaires, qui soutenons-nous, avec qui marchons-nous ?

Depuis notre dernière assemblée générale, nous avons beaucoup insisté sur la promotion des vocations. Qu’est-ce qui touche les jeunes, qu’est-ce qui les attire dans la Congrégation ? A mon avis, c’est la mission. Il faut leur donner l’occasion de participer aux missions, de connaître la réalité des gens qui sont dans des conditions parfois plus difficiles que celles qu’ils ont eux-mêmes vécues. Qu’ils voient l’environnement de leurs frères et sœurs, car ils ne trouveront pas cette réalité en profondeur dans les médias, qui souvent asservissent les jeunes au lieu de les sensibiliser.

Nous sommes invités par l’Eglise à vivre dans un esprit de synodalité, avec la pratique de l’écoute et de la conversation avec l’Esprit. En partageant avec les confrères de tous âges, avec les laïcs, avec ceux avec qui nous collaborons, qu’écoutons-nous ? Et surtout, qu’entendons-nous de nos seigneurs et maîtres, cela nous provoque-t-il à sortir de notre zone de confort, ou sommes-nous tentés de maintenir le statu quo, de garder les choses telles qu’elles sont, au lieu de répondre au dynamisme de l’Esprit ?

Qu’est-ce qui nous permet d’entendre le cri du pauvre ? Pour saint Vincent, c’est la situation vécue à son époque. C’est la souffrance des gens qui a touché son esprit, son cœur, et qui a provoqué le début de quelque chose qu’il n’attendait même pas.

Ce n’est pas seulement nous qui célébrons ces 400 ans, mais toute une armée de personnes qui veulent vivre avec les pauvres la réalité du royaume de Dieu. Cette armée est composée des différentes branches de la Famille Vincentienne, des confréries, d’autres organisations et de personnes de bonne volonté. Nous devons tous être ouverts pour écouter comment l’Esprit veut nous déplacer vers les marginalisés, les exclus, les accablés, les abandonnés et les rejetés.

Le message que le pape François nous a laissé, en lançant la célébration de ce 400e anniversaire, nous a incités à être la bonne nouvelle pour les pauvres. Aujourd’hui encore, du haut du ciel, il intercède lui-même pour que nous poursuivions la mission de Jésus-Christ : évangéliser et promouvoir la charité, prêtres et laïcs, avec la même simplicité que celle avec laquelle il nous invite à tout quitter et à aller vers les pauvres. C’est le zèle apostolique qui nous ouvre au feu de l’Esprit Saint, enflammant non seulement nos cœurs, mais aussi ceux de toute la famille vincentienne et au-delà.

Ce qui a inspiré St Vincent, c’est un besoin spirituel : la confession profonde d’un paysan, puis un besoin corporel d’une famille souffrante. Ces deux expériences ont provoqué un changement, c’est-à-dire une transformation de la vie de ces personnes.

Avec ce beau charisme que nous avons reçu de l’Esprit de Jésus ressuscité, des mains de Vincent de Paul et compagnie, nous devons nous demander si nous voyons vraiment les nouvelles pauvretés de notre temps et si nous y répondons. Aucun pays, aucun endroit au monde ne peut échapper à la pauvreté la plus forte, qui est la migration. La mobilité des personnes est un droit, et nous constatons avec tristesse qu’elles sont forcées de quitter leur pays. Dans certains pays, nos frères et sœurs sont expulsés, voire refoulés, les frontières étant fermées. 

Où sont nos pensées et nos cœurs face à ces réalités ? Que faisons-nous pour répondre à cette nouvelle pauvreté ? Et aux autres pauvretés qui lui sont liées ? 

Nous vivons une crise de leadership partout dans le monde, alors que faisons-nous, en tant que leaders inspirés par la foi, l’espérance et l’amour, surtout en cette année jubilaire où nous sommes en pèlerinage ?

Nous sommes appelés à nous encourager les uns les autres. À l’époque de saint Vincent, il a été encouragé par des personnes extérieures, comme Madame de Gondi, qui, par ses besoins réels, a encouragé saint Vincent à accompagner les pauvres des zones rurales. D’autres de ses animateurs étaient des directeurs spirituels qui l’ont aidé à élargir son cœur à la grande miséricorde de Dieu. Il y a des personnes à notre époque qui nous encouragent à développer nos capacités à répondre aux besoins avec la compassion de Jésus-Christ.

Nous sommes invités, mes frères et sœurs, à nous tenir aux côtés des pauvres et des victimes d’abus de pouvoir. Nous devons être sensibles à la réalité politique de nos peuples, en adoptant une position efficace, en agissant non pas en tant qu’individus, mais en tant qu’unité, en tant que communauté.

N’oublions pas que nous sommes une communauté pour la mission ; nous sommes une famille qui travaille ensemble pour la mission, non seulement pour les pauvres, mais avec les pauvres. 

Que le Seigneur Jésus-Christ, qui est notre inspiration et notre vie, nous encourage à continuer à célébrer notre charisme vincentien avec paix et joie. Qu’il en soit ainsi !

 

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La missione della Congregazione della Missione all'inizio del suo quinto secolo di vita – Omelia del P. Gregory Gay, CM

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