JUSTE UNE DERNIÈRE CHOSE

Dans l'article suivant, Jim Claffey, représentant de la Congrégation de la Mission auprès des Nations Unies, dresse un bilan du mandat accompli au nom de la Famille Vincentienne à l'ONU, en mettant l'accent sur le rôle des ONG catholiques dans le cadre des Objectifs de Développement Durable et sur l'engagement en faveur de la justice sociale.

Mon père adorait la série télévisée “Columbo”. Il riait à chaque fois que Columbo utilisait sa célèbre réplique “Juste une dernière chose” après qu’une conversation semblait terminée.

Ceci est un moment “juste une dernière chose”. Puisque je vais bientôt quitter mon rôle aux Nations Unies, je voudrais partager une réflexion finale.

Mais avant tout, je dois dire que cela a été le plus grand honneur de ma vie de représenter la Congrégation de la Mission à l’ONU pendant ces cinq dernières années. Un honneur immérité, mais un rôle que j’ai tenté d’exercer avec la dignité et le respect que la Congrégation mérite.

Un autre privilège de ce travail a été de collaborer avec de merveilleuses ONG issues d’autres branches de la Famille vincentienne, qui ont été pour moi une source constante d’inspiration.

Je crois que la Congrégation de la Mission doit être présente et active à l’ONU. Comme tous les membres de la Famille, les confrères ont une histoire à raconter, une histoire puissante sur les luttes des personnes réelles dans les 96 pays où la Congrégation est engagée. Des personnes considérées – et traitées – comme les “derniers et les plus petits” parmi nous. Des personnes vivant dans la pauvreté, non invitées aux tables du pouvoir et de la prise de décision, dont l’avis est rarement sollicité, même si elles savent souvent ce qu’il faut faire. Il s’agit d’une histoire qui ne vient pas de la théorie ou d’études universitaires, mais du contact personnel, de l’engagement direct auprès des personnes pauvres. Des personnes évangélisées qui, à leur tour, évangélisent à partir de la profondeur de leur besoin, de leur générosité, de leur dépendance totale envers Dieu.

Notre Famille connaît bien ces personnes. Et cette histoire doit être racontée dans les lieux de pouvoir : les personnes qui détiennent le pouvoir doivent l’entendre, sinon elles continuent à vivre dans une bulle fermée de documents et de protocoles diplomatiques qui empêche toute compréhension réelle de ce qui se passe au quotidien sur le terrain.

Ils ont besoin d’aide pour rester connectés à la réalité. Et parfois, ils l’admettent eux-mêmes ! Concernant l’Agenda 2030 pour les Peuples et la Planète, et les 17 Objectifs de Développement Durable, il arrive que des ambassadeurs et fonctionnaires de l’ONU admettent qu’ils ont besoin de la contribution de la “société civile”, parce que les communautés de base représentées par les ONG savent mieux que quiconque ce qui fonctionne ou non au niveau local, qui est décisif.

Dans une chanson, le groupe The Eagles chante : “Les choses dans la vie changent très lentement… si elles changent un jour.” Heureusement, ce n’est pas toujours vrai partout, mais cela l’est à l’ONU. Le changement est difficile dans des institutions aussi complexes et lentes, remplies de priorités concurrentes propres aux intérêts particuliers des 193 États membres.

Mais le changement y est possible, comme l’a démontré le Groupe de Travail pour Mettre Fin au Sans-Abrisme avec deux résolutions adoptées par l’Assemblée Générale, l’une faisant reconnaître le problème des sans-abri comme une question autonome et prioritaire, l’autre exigeant du Secrétaire Général qu’il présente des rapports bisannuels sur les progrès accomplis dans la lutte contre ce phénomène. Même si certains États membres préfèrent ne parler que de “logement”, la question du sans-abrisme fait désormais pleinement partie de l’agenda de l’ONU.

La question “Que faut-il faire ?” est toujours la question vincentienne face aux défis qui frappent les personnes pauvres. J’ai une conviction que le lecteur pourra accepter ou refuser : notre Famille vincentienne devrait être à juste titre fière de ses plus de 400 ans de merveilleux travail caritatif. À cet égard, nous avons assurément suivi saint Vincent, patron de la charité.

Mais alors que l’inégalité (“la racine de tous les maux sociaux”, selon le pape François) se répand comme un virus et que la misère extrême continue d’affliger obstinément l’humanité, il apparaît clairement qu’il faut embrasser plus pleinement la justice. La justice, une sorte de charité sociale : l’autre face de la médaille de la charité, selon le Bienheureux Frédéric Ozanam. Non-partisane, mais oui, une plaidoyer politique. Et le changement systémique comme méthode pastorale privilégiée, une manière d’apporter de l’espoir à ceux qui sont piégés dans la pauvreté, en leur offrant la possibilité de s’attaquer et de transformer les systèmes qui les maintiennent pauvres. Pendant des années, de nombreux efforts ont été faits pour présenter cette méthodologie à la Famille, mais qui en parle aujourd’hui ? Qu’est-il advenu de cette priorité ?

En conclusion, je souhaite plein succès au nouveau représentant ONG de la Congrégation de la Mission à l’ONU. Soutenons-le tous et répondons avec enthousiasme à ses efforts pour nous impliquer dans ce travail important. Ensemble, faisons en sorte que la justice “jaillisse comme un fleuve…”

Jim Claffey
Représentant ONG à l’ONU des Prêtres et Frères Vincentiens

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